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posté le 28-07-2006 à 16:49:29

les désert des chiens glabres (texte entier)

Le désert des chiens glabres

 

 

 

 

 

Les grands chiens malades émigrent souvent vers la poussière. Gunther en est. Gunther est l'un de ces chiens à poils. Gunther rampe alors que la chienne blanche le regarde, il rampe vers la berge, là où la poussière est tassée et chaude. Grains de sable moites épris de touffe de sang séché, tu connais? Tu connais ça Gunther? La chienne matte Gunther et le museau de Gunther dans le sable sent la poubelle. Peau de banane. Les colliers de cuir sont passés au trou. Beaucoup de chiens nichent le long de la berge. Parfois, des enfants dorment dans des niches abandonnées. Un enfant à la peau mate bronze là dans le sable à trois pas de Gunther. Gunther avec ses crocs blancs et ses pattes rouges. Les pieds de l’enfant dans le sable chaud. Les grains de sable gris et noir et beige entre les orteils de l’enfant. Un ongle rouge. Gunther bave devant l’enfant. Gunther se couche et dort à côté de l’enfant en attendant qu’il se réveille et lui passe les doigts dans les poils de la nuque. Gunther ferme les yeux et sent les doigts de l’enfant qui frottent et détachent et décollent les touffes de poils plaquées de sang séché. Gunther rêve de doigts d’enfant. Paupière battante, vibration de cils, mouvement d’épaule et la tête se retourne : l’enfant réveillé couché dans le sable à côté de Gunther regarde Gunther dormir, sans un mot, sans un souffle, caresse les poils entre les oreilles, décolle des touffes rouges brunâtres.

 

Sur fond de contact, ils chantonnent et c’est clair et bon. Intelligible. Bon pour l’oreille, bon pour le repos. Juste des faits. Juste les faits de ceux qui les écoutent. Des chiens assoupis, truffes dans le sable, oreilles dressées pointées vers les gosses qui racontent, parfois les oreilles plient et retombent pour cause de sommeil trop pesant. L’enfant raconte bien. Les chiens ne veulent pas dormir. Les enfants content les faits des chiens jusqu’à ce qu’ils reviennent et s’assoupissent, sang contre sable, doigts qui traficotent et dénouent les pelotes de poil de la journée, contes simples, juste des faits, des faits cohérents qui rendent les journées simples et bien remplies.

 

Chuchote à l’oreille de Gunther. Nico, blanche et glabre et blafarde mais belle. Nico observe certains chiens sur la rive. L’enfant parle à l’oreille de Gunther et glisse à quel point Nico insiste de ses paupières pesantes sur la présence de Gunther, le soir. Toute la journée Nico attend sur la rive ou à l’ombre sur la rive, avec les autres chiens glabres et les enfants qui dorment avant de parler aux chiens de leurs faits de la journée. En sursaut entre deux rêves l’enfant ouvre les yeux et aperçoit Nico patiente face au vent, Nico cligne des yeux dans les rafales de grains de sable soulevés par le vent. Nico attend Gunther et l’enfant le sait et le dit à Gunther, c’est comme ça toute la journée, c’est comme ça tous les jours. Gunther doit croire l’enfant parce que l’enfant lui sait que Nico attend Gunther. Même si les enfants dorment la journée sur la rive avant de parler aux chiens qui reviennent. Même si les enfants ne se réveillent pas avant le retour des chiens en fin de journée. Même s’ils ne se grattent que la nuit. Cet enfant là se réveille le jour. Il aperçoit Nico qui guette le retour de Gunther lorsqu’il se réveille le jour. Il ne se gratte que la nuit, comme les autres enfants, mais il se réveille le jour, lui, et il aperçoit Nico et l’observe. Il le promet à Gunther.

 

La chienne a faim. Les taches roses sur son ventre vont et viennent au rythme de sa respiration, sa langue sêche pend et frotte ses canines, le souffle rauque de sa respiration, elle regarde au loin. Du sable crisse dans ses dents. Ses coussinets roses calmes. Elle ne rampe plus vers l’eau depuis longtemps, longtemps qu’elle sait que l’eau est salée, imbuvable. Elle ne fait qu’attendre, attendre et voir. Voir les corps brunir sur les plages. Voir les vagues lêcher les pieds des corps mats. Voir les plaies cicatriser au sel au soleil. Voir les taches qui restent des plaies grattées sans cesse. Voir les corps s’activer. Voir les chiens revenir et les corps s’activer se dresser et tendre leurs membres fins. Les doigts grattent la peau. Les ongles décolent les touffes plaquées, brunes, le rouge est sombre. Doucement. Les mentons s’avancent, les lèvres frémissent, des pointes de langues qui effleurent des incisives. Elle voit les bouches qui tremblent et racontent lentement les faits des chiens aux chiens les chiens s’endorment. L’enfant parle à Gunther. Corps blanc, glabre, taches roses par là. Langue rose pend, soif, Nico. L’enfant raconte Nico à Gunther. Le corps pesant affalé sur le sable. Les bras poussent et les doigts glissent et s’enfoncent. La tête lutte pour s’approcher de l’oreille. Les yeux fermés voient les efforts du chiens sensible qui capte la force de l’enfant pour lui faire entendre l’attitude de Nico. Le crâne rasé parle à Gunther. Nico. Et Gunther aujourd’hui ne s’endort pas dès qu’il est couché. Gunther attend la fin de la phrase de l’enfant.

Nico, fatiguée, attend le retour de Gunther.

 

Gunther dort. L’enfant raconte et gratte sous l’œil pudique de Nico pendant la nuit qui passe. Pendant les les récits des faits des chiens. Pendant les interminables caresses des enfants aux chiens tout le long de la rive. Les ongles grattent les plaies et les doigts déposent le sang des plaies dans les poils des chiens. C’est ainsi sur la rive. C’est ainsi la nuit jusqu’à ce que les chiens glabres s’endorment à leur tour. Alors seulement les enfants s’activent et rampent vers ces corps glabres, alors les récits cessent et seul le son des membres qui trainent et rampent dans le sable se fait entendre, seuls les grains de sable crissent sous les ongles et dans les plaies des enfants qui rampent. Au bout des quelques mètres ou dizaines de mètres les enfants rejoignent les corps épuisés et ils ouvrent les bouches et laissent couler la salive qu’ils accumulent depuis le début de la nuit, depuis le début des monologues des faits. Et les corps blancs de s’abreuver dans le silence qui suit. Les corps mats de se vider du jus des faits. L’enfant cette nuit nourrit Nico qui dort sans savoir qu’elle est nourrie par celui qui chuchote à l’oreille de Gunther.

Gunther.

 

L’œil ouvert l’enfant voit. La chienne voit l’œil ouvert de l’enfant et glapit et l’enfant l’entend, cette fois. Il y a les bandes de sable tout le long des plages, avec des troncs de bois errodés mi-ensevelis et touffes d’herbes qui dépassent dans le vent. Il y a tous ces corps couchés au soleil endormis malgré la chaleur et le sable dans les orifices. Il y a tout ce monde silencieux et statique dans le courant du vent qui transporte des grains d’un corps à l’autre mais il y a aussi l’enfant l’oeil ouvert et Nico qui se scrutent pour la première fois. Rien à part des grains ne bouge et pourtant il se passe quelque chose dans ces regards partagés. Comme s’ils observaient leur propre regard. Comme s’ils comprenaient qu’il y avait leur regard en plus du silence et du reste. Une chienne glabre s’appelle Nico, elle a glapi et finalement un des enfants endormis a ouvert un œil et maintenant la regarde, l’enfant qui chuchote à l’oreille de Gunther a ouvert les yeux en plein jour et regarde Nico.

 

Du jus coule dans la bouche. Epuisée, les yeux fermés. C’est maintenant, après tout ce temps, après le long récit des faits, la salive dans les joues dans la bouche se déverse dans la bouche de Nico, long filet de bave épaisse, presque sêche. Nico reprend des forces, l’enfant garde sa tête yeux fermés au dessus de celle de Nico, sa bouche entrouverte au dessus de celle de Nico. Et le silence qui assiste le repas quotidien, le silence pour la première fois oublié au moment où l’enfant concentre ses forces pour doucement refermer des lèvres et sectionner le flux continu de bave avant de les rouvrir et laisser s’échapper le reste des réserves et Nico qui sent la différence et soulève comme elle peut ses paupières et voit la tête de l’enfant yeux clos. Le silence pour la première fois oublié. La salive ne coule plus, les joues vides, l’enfant lève la tête et la tourne au ralenti en direction du chien couché plus loin juste là et l’enfant qui tout à coup dans un effort qui se suffit écarte ses mâchoires et rompt le silence. La bouche frêle et vide prononce et c’est à peine audible.

Gunther.

 

La nuit prochaine. Peut être la nuit prochaine. L’enfant sera parti et ce sera le jour. Si la nuit prochaine lorsque Gunther arrive de derrière les dunes l’enfant n’est plus là. Elle voit déjà ses griffes racler le sol et les poils de ses cuisses laisser des traces, rainyures dans le sable derrière elles. Elle voit les paupières lourdes qui précèdent le corps épaix dans son ultime effort. Elle voit la masse s’approcher et la dominer de toute sa taille, elle se voit impressionnée par cette masse qu’elle n’a jamais vu que de loin, elle la voit s’effondrer sur elle de tout son poids la pénétrer de son membre large inusé. Elle sent déjà un souffle rauque dans son oreille, la vie rentrer en elle avec le râle qui la hante depuis que sa mère, elle voit pour la première fois sa mère. Elle réalise soudain qu’elle vient d’une autre, une autre a attendu le départ d’un enfant pour accueillir en son sein le membre d’un mâle. Un Gunther. Demain, si l’enfant n’est pas là, demain Gunther viendra se coucher sur elle. Demain elle saura peut être quelque chose qui lui vient d’avant. Elle se calme, pour l’heure elle se calme, elle ne s’est plus sentie aussi agitée depuis longtemps, elle ne se rappelle plus quand. Elle s’endort, demain peut être, pour l’instant elle s’endort.

 

Tu sais pas cacher ton visage tout la journée hein.

La grève reflète la personnalité et les désirs de ses occupants.

A part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse.

une langue plus raide

(citations)

 

Des doigts plongent dans la boue, boue grise ou beige de sable et d’argile, des doigts dans la boue et de petits cailloux crissent sous les ongles au bout des doigts là où la peau s’effrite à racler de la pierre. Pâte lourde. Lourde dans la main. L’enfant couché dans l’eau a de l’eau qui lui rentre dans la bouche, avec du sable qui flotte et voyage avec l’eau, là où va l’eau, dans sa bouche. Son corps à moitié immergé, les membres qui s’enfoncent petit à petit dans le sable à force de vagues qui s’écrasent et l’encerclent sur le bord de la plage, comme tous les jours. Beaucoup des enfants présents sont comme ça, au bord de l’eau, la tête flottante, yeux mi-clos ou fermés au soleil qui tape sur des paupières inertes, cercle jaune sur fond de voile rouge et le sel de l’eau qui irrite le palais, petits crustacés retirent des grains de sable entre des molaires. Toute la journée, sans attendre, juste vivre comme ça, au soleil, puis dans la nuit, à raconter des hsitoires vraies aux chiens, à abreuver d’autres chiens avant le petit matin, à l’aurore, pour que ça tourne.

 

Certains rêvent la nuit du grand raid. Tous se regroupent, les enfants rencontrent les enfants, les chiens glabres se réunissent et plus imposant est la meute des chiens à poils, ceux qui lancent le départ, eux connaissent le chemin, les enfants en derniers suivent les traces de la masse canine qui a filé derrière les dunes, la course est terrible. Plus rien ne reste sur la plage, les rives sont désertes, il ne reste que des branches cassées ou des troncs, du sable et des crabes qui cherchent l’ombre, des empreintes de disparition. A la recherche, de l’autre côté des dunes, là où les chiens vont la journée, là où se passent les choses que les enfants rappellent la nuit. Le grand raid. Celui qui engage tout le monde. Tous ces êtres qui courent et filent ensemble, une seule masse, longue, fluide, décidée, consciente. Certains en rêvent la nuit et y pensent le jour. Des enfants pensent le jour couchés brûlants, ils pensent au grand raid et ne pensent qu’à ça alors que les autres ne pensent pas dorment ou respirent, simplement, alors que le soleil tape et qu’ils ont chaud, sans le savoir, cuisent au soleil pas loin d’autres qui revoient toujours cette même scène de cortège unique, éternel, fuyant, s’accrochent à cette idée et ne voient que ça, en oublient les chiens et les chiennes, les faits et la salive qu’ils laissent s’écouler sans penser, les désirs de ses occupants. La grève reflète la personnalité et les désirs de ses occupants.

 

L’enfant garde un œil ouvert pour voir Nico. Les gestes de son muscle occulaire sont lents, sa paupière lourde, mais il se sent vif, bien plus vif. Son œil travaille pour changer de cible. La mise au point est lente, l’au-delà de Nico est flou, dans le flou une ombre bouge, son regard s’adapte. Loin, bien plus loin que Nico, l’enfant voit un chien debout qui marche. Une ombre derrière Nico marche et l’enfant ne sait pas d’où il tient ça mais il sait que c’est un chien errant qui marche, un chien errant. Nico a peur, Nico voit le regard de l’enfant concentré derrière elle et elle ressent de la peur, inexplicable.

 

Certains enfants ont des plaies bien plus croutées et boursoufflées. Des chiens aboient, ils hurlent. Ce sont les molosses. Masse de muscles à poils mi-longs flanquée de pattes épaisses et lourdes, les griffes trainent dans le sable et les empreintes sont profondes. Des dogues semblables à Gunther mais qui marchent au loin et parfois gueulent. De loin des chiens gueulent, de près on ne les voit pas, jamais. Maintenant les plaies crouttées des enfants saignent, heures les plus froides de la nuit où les plaques de sang séché se craquèlent. Du sang coule sur des enfants. Souffle rauque pas loin, tout près, en silence, bruits étouffés par le sol moelleux. Griffe au fond, lape, arrache avale, vite, avant la fin des récits, avant l’abreuvement des chiennes glabres.

 

Pas la force de se trainer. La truffe dure, sêche, douloureuse. Coussinets moites et regard brumeux, boîte crânienne chauffante, cerveau vaporeux, respiration lente et souffle irrégulier, couché là dans le sable, juste à côté, à côté d’une pierre bouillante intouchable. Le

 

Cuisses dorées longues et fines, des boucles entre des doigts et tes hanches ou tes reins dans mes mains, tes billes qui se fixent sur les miennes, ou les paupières qui se ferment en sourire, quand tu es émue ou gênée ou craintive, avec tes lèvres qui se pincent ou ton corps qui s’ouvre avec ce sourire qui montre tes dents qui sourient, et tout ce qui est mignon dans ton corps et tes attitudes, et tout ce qui n’est pas mignon en toi est de la femme. Je veux me baigner dans ton corps. Je veux goûter les arrêtes de tes os, je veux qu’ils fondent sur ma langue pendant des heures. Penser à toi me donne envie de vivre dans le désert des chiens glabres. Là où Gunther et Nico, là où l’enfant et les chiens errants vivent, là où il n’y a rien d’autre qu’un désert qui existe.

 

Au loin des taches masses de poils se trainent reviennent de derrière les collines, dunes mystères. Les tas de sable sur lesquels déboulent un à un lentement les chiens qui arrivent en fin de journée soleil couchant et les enfants affalés qui sentent le retour des chiens, rien ne bouge, rien ne bouge dans ce décor de résidu de vie, rien, si ce n’est les quelques dizaines centaines de taches masses sombres qui dévalent au ralenti les dunes. Et nico qui attend et regarde l’enfant attendre le retour du chien. Et le poil de Gunther fidèle à lui-même qui traine par là dans la pente. L’enfant par terre dans le sable croutes sêchent au soleil et sang bruni sous les ongles.

Le retour de Gunther.

Un chien s’affale à côté de Nico. L’enfant de redresser la tête et tendre l’oreille renifle l’air quelle odeur, quelle odeur a ce chien si près de Nico, d’où vient-il comment Nico aime-moi, je t’en prie. Des grains dans l’œil et le doigt de sang bruni qui frotte de l’ongle le coin de l’œil, mieux voir, mieux voir ce chien abattu à côté de la chienne glabre, que fait Gunther, que fait ce chien si près de la bête à la place de Gunther. Où est notre avenir. Où sont les vagues de poils qui recueillent le sang de mes mains pour les porter de la rive à derrière les dunes, où sont les touffes de poils et sang séché à décoller dénouer caresser, où est ce souffle simple rauque, haleine de chien si cher que je respire, où est Gunther et les oreilles de Gunther qui écoutent racontent les faits chaque jour, Gunther que fais-tu. L’œil s’adapte aux grains de sable, l’œil s’adapte à la chaleur et au vent, l’œil s’adapte à la distance qui sépare l’œil de la chienne et le chien affalé là à la place de Gunther, l’œil s’adapte le flou se dissipe la chienne devient nette et c’est le chien Gunther qui a rejoint la chienne là à quelques mètres de l’enfant qui regarde incrédule Gunther et Nico et ne sait quoi faire de ses yeux. Gunther est couché contre Nico, ils respirent.

 

Les petits bruits dans la nuit, les petits bruits de salive des bouches qui bruissent, les lèvres qui frémissent, les messes basses de salive qui claquent au palais si doucement que seules de petites trainées de liquide épaix s’écoulent le long des parois pour se loger dans les joues, les enfants qui balbutient susurrent les mots dans les oreilles de chiens, les langues qui barbotent dans les bouches libèrent les faits quotidiens, les murmures des enfants emplissent le désert des chiens. Des heures de nuit pleines de chuchotements d’enfants pour des chiens endormis. Des histoires fraîches vécues par des chiens qui écoutent leurs propres histoires à peine vécues. Ces chiens dorment écoutent le temps du repos comme les machines qui turbinent tout le temps en silence le temps de laisser couler le mince filet de jus de machine hors des pompes-rêves.

 

Couchée endormie elle s’en rendort à mon départ. De ma langue, sa peau qui glisse éponge les cils fondent en bruissement, suffisamment léger pourtant l’œil s’ouvre. Son œil pleure sous ma langue, d’émotion. Cuisse brille je quitte le corps couleuvre de ma nuit. Des boucles trainent, grains de sable dans l’œil pleure, adieu. Lèvre sêche, les dents rongent inconsciemment le craquèlement des lèvres au soleil, l’œil de sable crisse, je m’efface et elle s’endort. Pas à pas dans l’escalier des paquets de grains de sable d’une dune du désert des chiens glabres s’effondrent ça et là, marches cascades l’une derrière l’autre, le sable recouvre les pas de l’homme-femme. Glissement de terrain à la vue disparition d’une ombre dans l’encablure de la porte, des troncs calcinés volent et, fracas, la goutte glisse crisse jus d’œil pleure de branche boucle. Le corps élancé reparti se confond dans les songes faits-dits des enfants, cette nuit il n’y avait pas d’enfant témoin absent des faits capable de dire à mi-voix les choses du jour. Le lendemain de la nuit il n’y a plus d’enfant sur la rive, pied dans l’eau saignant dans l’eau, je regrette celui-là, le dernier connu bannissait les participes présents. Parti l’enfant. La chienne traine, la chienne s’effondre statique en sommeil lourd de vapeurs-odeurs, à la racine des cheveux en boucle : senteur de fait : l’enfant aurait senti les racines de boucles de cheveux de la chienne glabre rendormie pour dire à plus tard au chien masse de poils après la vomissure de vérité du jour, nombre de faits insignifiants cachés empaquetés dans un discours simple et dense, la fin du compte rendu des faits. L’enfant n’est plus là lorsque je descends la dune, homme-femme trompé de silence, non, l’enfant n’est plus là lorsque la chienne glabre se rendort couve.

 

Gros dogue noir poil court. Le sale gros dogue qui trainent doucement oreilles agitées renifle des trucs et me fais peur. Des grosses pattes noires tournent autour de nous. Grosse truffe sniffe les queues des chiens parmi nous. Immobile je suis capable de me souvenir plus tard de ce qui se passe maintenant, il me suffira de bouger les lèvres pour raconter les images dans ma tête que je dessine yeux fermés. Sale gros dogue part, truffe qui pue rampe, je veux que ce sale gros dogue vire ses pattes de chez nous, il me dégoute et Gunther qui dort. La grosse masse noire poil court qui sent la grosse masse Gunther par terre, sent sa queue puis va vers la chienne Nico pas loin, molosse passe. Nico immobile incrédule va falloir que je raconte ça à Nico et Gunther, ce gros sale dogue pue. Puis il part, le molosse passe part, reste un bout d’odeur de puant, gros chien noir puant laisse de l’odeur de son cul près des queues de chiens parmi nous, me dégoute, j’en parlerai à Gunther, des relents dans ma bouche. Il faut qu’il sache. Nico pense qu’il n’en fera rien, Gunther se fout des chiens errants, des molosses  passent, puent, Nico pense que Gunther se fout des sales gros dogues en un clin d’œil je le vois bien qu’elle pense ça de Gunther, Nico. Elle sait mieux. Elle connaît l’attitude de Gunther. Moi je parle à Gunther la nuit quand il dort. Elle me regarde maintenant chaque jour, mes croutes qui sêchent, elle me regarde et me voit m’agiter au retour quotidien de Gunther, réveil pour parler, elle voit bien Gunther s’affale chaque fois là, dort écoute les faits de ma bouche. Je peux lui dire les sales gros dogues mais les yeux de Nico disent pas la peine, pas la peine de te fatiguer petit, il s’en fout, c’est Gunther, il revient de derrière les dunes.

 

Café coule gorge brûle, la paupière-cadavre en suspend, lourde se referme. Poil revêche, épis sur la tête impeignable à cause du sang qui plaque les cheveux sur la tête le matin. C’est le matin.

 

La vie qui n’est pas un roman. Je ne raconte pas les faits de mes journées qui ne trouvent pas leur place dans un roman. Les choses vécues avec les autres, tout autour, tout près, les choses qui font qu’on se sent vraiment bien, ou très très mal, je ne raconte pas les faits de mes journées car ils ne trouvent pas leur place là près des oreilles des chiens. Je ne raconte pas le sang sur la peau sur les draps, le sang brun qu’il n’y a plus sur les planches. Pas de murs témoins des pièces vides, pas de pompes-rêves, pas l’interprétation des monstres, comme ça toute la vie, les tremblements n’existent pas, les voix qui vibrent, les cheveux dans les bouches, les yeux qui s’éteignent, les langues dans les trous, rien, rien n’a lieu si ce n’est l’attente de Nico et l’enfant qui regarde Nico regarde Gunther. Les poils sur les matelas minéraux, le jus coule dans la bouche, les poils plaqués collés. L’angoisse du départ, les départs le matin, les mensonges non dits. Les silence qui parlent, les bouches muettes, esprit vide yeux qui pleurent. Les odeurs reconnues bien connues. La vie qui est là, celle qui dit rien, celle qui allonge, qui file un peu de temps en rab quand on croit que c’est la fin de la fin. La vie qui s’en fout, celle qui lève les masses poils le matin et grillent les plaies cicatrices craquelantes l’après midi, celle qui voit rien, pas même les enfants pleurant ou chiennes implorantes en attente silence de vent dans les oreilles des spectateurs. La vie qui voit rien qui dit rien qui fait rien à part que tout est là, celle qui fait que c’est là, qu’il y a des chiens et des chiennes et des enfants pour dire. Cette vie qui sait rien qui fait rien, cette vie là, avec les projets les questions les projections, cette vie bien marrante et très triste qui parfois fait dire ça ronge parfois laisse faire sa vie. Cette vie qui ne s’occupe de rien, qui ne laisse pas filer quand on pense qu’elle laisse filer, qui ne laisser pas couler quand on se dit ça va mieux aujourd’hui. Ce n’est même pas qu’elle s’en fout, c’est qu’elle est comme ça, juste là, dans les mots dans les têtes, parfois au bout des langues, rien d’autre que ça, parfois au bout des langues ou dans les trous. Parfois les langues dans les trous cherchent la vie. La vie n’est pas plus dans les trous que derrière les langues, pas plus entre les murs vides qu’entre deux côtes félées même avec douleur. Même avec souffrance et douleur et pleurs larmes coulent inextinguibles irréprochables incompréhensibles sans s’arrêter ou sans jamais commencer, toute bloquée, la vie dans les larmes, la vie dans les gorgées de café le matin, la vie dans les cheveux-souvenirs qui trainent, la vie dans les reproches regrettés, la vie dans les plaisirs avortés, la vie. Et la vie dans des tee shirts troués, en slashes ou sandales sans écouteurs à l’écoute de la vie cachée dans les fleurs gouttes de pluie, la vie dans les rues mouillées, la vie dans les jambes des gens mouillés qui courent, les parapluies retournés, les voitures vite qui balancent les gerbes de flotte sur les jambes des gens avant qu’ils ne crient, la vie dans les cris jurons des gens en colère, la vie dans la colère. La colère. Les gens qui crient se disputent se chamaillent se blessent se tuent se vomissent à plusieurs ou tout seuls. La vie dans le tourbillon dans la tête folle pleine de vie, tête qui pense-bête croit que tout s’en va se barre en couilles alors qu’elle y est, juste au cœur juste au centre, juste là où ça se passe, peut pas être mieux placé pour voir, aveugle, les moments de tourbillon-crise rendent aveugle. Et la vie s’en fout, de toute façon elle est là, au premier rang, même pas dans une loge bien placée, non, au premier rang, obligée qu’elle est d’incliner la tête pour voir le spectacle, obligée de se tordre le cou pour avoir un œil placé entre les épaules devant elle, pour voir là bas, pour voir le spectacle qui se joue là pas loin, entre les autres devant elle, les deux là, la mort et sa copine, ses homologues, sœurs jumelles spectateur unique disloqué décomposé, chose unique faite de plusieurs corps, cette vie qui croit pas pense pas que tout est cool ou de la merde, qui s’en fout pas qui se réjouit pas, qui n’est peut être pas là en fin de compte.

 

L’enfant lêche un genou. Couché sur le dos l’échine dans le sable, l’enfant bras par terre boit lêche le peu de sang rouge vif frais sur le genou. L’enfant se lêche les babines, pas de plaisir juste nettoyer ses lèvres, ses lèvres viennent du genou avec le sang frais de son corps, son corps à l’enfant, le sang du corps de l’enfant sur le genou qu’il lèche et Nico qui regarde. Nico, ventre grossi taches roses de bas en haut, respire et regarde l’enfant à quelques pas lèche la fourrure sur le genou de Gunther. La langue moite lappe une touffe de poils de Gunther. C’est l’enfant érotisé sous les yeux d’un chien glabre, c’est le regard de Nico sur les vies du désert, c’est Nico et Gunther avec l’enfant qui lappe.

Et l’enfant qui ne cesse de lapper et bave de sang sur son menton qui coule, au fil du temps, les hoquets de Gunther qui font vibrer la chienne. De l’eau épaisse coule dans les poils hérissés des chiens qui hoquètent vibrent et chantent en silence jusqu’à ce que l’enfant hurle la vie n’est pas dans l’impression-regard satisfaction de l’éclatement du jus, non plus, la vie n’est pas dans le silence ni dans l’étreinte qui concluent les passions les plus fortes. L’enfant pour la première fois debout sur ses quilles tremblantes yeux au ciel s’écroule de manque de force vérité donnée à qui veut m’entendre, épuisé que je suis face dans la terre de grains de sable qui s’engouffrent dans ma bouche fond de gorge ressac de vérité perfore l’estomac vide. J’ai vu des regards de chiens incrédules rivés à des jambes d’enfant, des regards de chiens fixés à ce que j’ai fait sans dire, ces chiens s’en foutent de ce que je peux dire, je me suis levé pour crier, ils ont entendu un miracle à leurs yeux, le miracle de l’enfant debout, qui se lève pour crier, pour crier. L’enfant qui se tient debout. L’enfant que je suis s’écroule devant des chiens sourds et aveugle de bon sens, l’enfant qui parle de bon sens sans jamais avoir été derrière les collines, l’enfant qui passe sa vie à gratter des croutes qui sêchent au soleil à parler au chien couché de ses faits accomplis, l’enfant qui vient de se lever sans tenir finit par s’écrouler, et je leur parle de bon sens. De la vie et du bon sens.

 

Cette nuit là un de ces chiens errants qui viennent sentir les queues des chiens endormis, pas le même que le sale gros dogue de l’autre fois mais un sale chien batard de chien tout de même, gros puant qui traine sa truffe à la base des queues. Ce chien ne me fait pas peur. Cette nuit ce molosse errant qui se secoue d’un coin à l’autre de la rive vient chez nous ballader sa grosse masse suante semer son odeur dans les narines de ceux qui vivent par ici, mes narines sentent le dégoût mais cette nuit ce chien ne me fait pas peur. Je n’ai pas de queue les chiens ne viennent jamais me sentir le sexe, ils veulent des queues de chien. Cette nuit un gros molosse puant fait trainer sa truffe sur mon sexe et je n’en ai pas peur yeux fermés. Je ne sais pas ce qu’il sent. Sa truffe humide traine là et je ne sens qu’une truffe humide sur moi. Je ne sens rien d’autre que l’humidité d’une truffe. On n’a jamais laissé trainer un truc humide sur moi à part l’eau qui monte et descend la journée. Je me demande cette nuit ce que ce molosse puant peut bien sentir là sur mon corps. L’humidité sur le sexe n’est pas une sensation mauvaise, pas mauvaise ni douloureuse juste le sentiment étrange de la découverte de l’existence de ce sexe là au bas du ventre que je sais nommer sexe. La découverte que je sais nommer sexe. Nommer.

 

Gunther va mal aujourd’hui, il traine la patte dans le sable de la dune, il dévale la dune coussinets fatigués, je veux être doux, doux avec le chien Gunther, sentir la masse poils contre mon ventre à distance et dire les mots dans son oreille, doucement. Je le vois s’approcher s’effondrer juste là et soupir il n’attend pas il est juste là, arrivé après sa journée. Moi de me retourner lentement sur le côté dos à la rive face à la dune face à Gunther le chien qui n’attend pas, mais ça vient. Je m’apprête sans rien savoir, habitude automatique de lui raconter ce qu’il a fait, je me mets dans l’état, j’ouvre la bouche pour dire les faits, oui c’est le soir maintenant, j’ouvre la bouche encore plus doucement qu’hier, plus conscient que jamais aussi de ce que je fais, je l’ouvre ma bouche pour lui susurrer toutes ces choses, tous ces faits, toutes ces choses de sa journée en leur donnant un ton doux et rassurant pour qu’il se sente bien, Gunther, pour qu’il dorme et récupère bercé par ma voix, comme toujours, alors je l’ouvre, ma bouche, oui je les écarte mes putain de lèvres en bondissant d’un coup pieds décolent du sol où il y a le chien et ébahissement et peur je hurle la vérité qui me traverse mots liés dans le flux du savoir-conscience vérité dépaquettée livrée aux chiens endormis réveillés et Gunther hors du temps de bondir à son tour, nouveau Gunther crocs blancs lèvres retroussées moustaches vibrantes, masses de poils hérissés je pense au sales dogue molosses traine-la-patte poils d’échine hérissés boule de nerfs se jette sur moi qui sommes nous pour des êtres qui vivent ensemble. J’ai des crocs blancs plantés dans ma jambe de sang rouge. Silence envahissant et Nico ne bouge d’un poil. Gunther couché de son long à mes côtés calme respire et récupère, émotions. Je suis couché sur le flanc et Gunther est couché sur le flanc contre moi, masse poils chaude rassurante contre moi. Les poils de sa peau contre ma peau avec distance je sens sa chaleur m’envahir son haleine sang frais me monte doucement lentement aux narines, je coule rouge doucement lentement de ma jambe larmes épaisses des trous de ma jambe. Les coussinets de Gunther font des petits paquets épaix de sable-sang. Juste par terre contre mon ventre de peau.

 

Le soleil dans le ciel de l’eau s’élève, c’est le jour. Nico a le ventre gros et Gunther continue d’aller et venir chaque jour derrière la dune-colline sans importance. L’enfant couché gratte encore des croutes sur ses jambes et gratte encore des mots dans le fond de sa bouche pour que Gunther dorme écoute les faits du jour. C’est le jour. Comme d’habitude les grains de sable vont dans la plaie qui frotte le sol de sable pendant que l’enfant rampe vers Nico. Nico enfin endormie n’attend pas le jus de la bouche de l’enfant, elle n’y coupe pas aujourd’hui pourtant, c’est l’habitude, c’est le désert des chiens et des enfants, c’est chez Nico et Gunther, Nico avec son ventre qui grossit au fil des filets de bave épaisse fuyant dans la gorge de la bouche sans contact avec les lèvres qui délivrent le jus de langue des faits. L’enfant nourrit Nico. Pendant qu’elle dort. Comme tous les jours. Et comme tous les jours pendant qu’elle dort l’enfant nourrit Nico et Gunther se lève, pattes avant se tendent l’arrière train suit, la gueule basse, langue lèche bouche et s’en va, Gunther s’en va. Les dunes-mystères de sable effacent les pas de Gunther, Gunther traverse la grande dune qui n’a pas de mystère pour lui, comme tous les jours Gunther va derrière la dune pendant que l’enfant laisse filer la bave dans la bouche de la chienne glabre.

 

Là je parle à l’oreille du chien Gunther. Sa grosse masse poils écoute le long roulis-récit des faits du jour. Marée basse, il y a les étoiles qui scintillent, il y a la lune disparue, il y a des masses poils sombres qui défilent au loin dans le flou invisible. Je suis en train de raconter ce que fait Gunther au moment où la lune file derrière la grande dune-mystère et Gunther couché là poils remuent paupières vibrent au fil des rêves qui écoutent ma langue dans le roulis-récit. Au loin derrière les masses floues qui galopent ou trottent. Invisibles les bruissements des enfants qui racontent et les masses inaudibles floues qui filent glissent en silence. Gunther vibre. Les poils de Gunther vibrent et je ne suis pas serein dans ce balai de chiens errants au loin. Des yeux qui plongent. Je sens Nico, Gunther va somnoler quelques instants quand Nico sera endormie en attente du jus des faits, quelques instants où je trainerai mes genoux entre les grains de sable entrent dans les plaies, je sens Nico pas normale vibre ses poils se hérissent me font attention les masses poils sombres floues autres chiens trainent gras sable crient muets brillent là je parle à l’oreille de Gunther. La grosse masse de poils écoute le long roulis-récit des faits du jour. C’est la marée basse et les étoiles scintillent lune derrière la grande dune mystère au moment où je file des mots de trame, Gunther dort écoute malangue claque juste Nico qui tremble et ma langue claque : de gros dogues puants débarquent. J’ai peur.

Nico dort tremble, Gunther somnole encore, l’enfant que je suis en silence sans bouger pense à son sexe et la truffe humide d’un sale dogue sniffeur de queue posée sur son sexe. Je ne bouge pas d’un poil. Plusieurs dogues marchent silencieux dans le sable crisse sous des griffes-ongles de chiens qui cherchent. Plusieurs odeurs de dogues puants, grosses masses noires suantes puantes, un des sales dogues s’arrête et sniffe. Nico tremble-vibre sommeil agité à l’appel et Gunther inconscient et la truffe mouillée du dogue noire à la base de la queue de Nico qui dort vibre tremble. Bout de langue rape lèche la base de la queue de Nico. Nico bouge tremble glapit. Gros coups de masse-langue rêche à la base de la queue long de la queue jusqu’au sexe de Nico silencieuse. Calme, engloutie par le sable et le gros dogue, Nico cesse de trembler. La langue lappe lèche les orifices de Nico et un bout rose de chair grandit et sort au bas du ventre du sale molosse puant. Dure et raide. Des veines noires gonflées poussent le sang noir au bout du bout et pousse le gros bout long raide dans le ventre de la chienne glabre endormie. Des chiens attendent. La bande de molosses cul dans le sable attend la fin du va et vient dans Nico. La fin des coups de reins du sale puant dans le bide de Nico. Souffle rauque, râle sombre, éjaculation, déchirement du ciel étoilé. Un gros chien noir retire son membre d’un ventre de chienne blafarde et claire dans la nuit. Un groupe de chiens odeurs repart et trotte dans le sable. Une masse poils nommée Gunther se réveille et part. Une chienne appaisée rassurée attend du jus dans la bouche. Un enfant au matin garde des mots secs et ferme les yeux. Le filet de jus s’échappe et nourrit la chienne.

 

Gros chien, masse poils épaisses, regard fatigué pattes musclées truffe au vent, je trotte file là-bas, l’enfant me nomme Gunther. J’aime quand l’enfant doucement la nuit articule au fond du creux de mon oreille Gunther. Puis je m’endors. Chaque jour l’enfant ouvre ses lèvres délicates de petit homme fragile et prononce Gunther et je m’endors et continue de me dire des choses tout durant mon sommeil. L’enfant dit des choses dans mes oreilles quand je dors. Quand je me lève l’enfant près de Nico gueule ouverte au dessus de Nico sait que je pars. Pendant le sommeil de Nico. Nico calme ce matin ensommeillée inconsciente sous l’enfant bouche ouverte. Je pars.

Des dunes de chaque jour et d’autres chiens connus et inconnus. D’autres masses poils mais aussi des dogues. Des sales dogues. Au pied d’une des premières dunes un des sales dogues bite roide au soleil m’arrête. A la vue du sale dogue enfant couché par terre gueule de sable ouverte et sang séché arrête de couler je m’arrête. L’enfant tremble. Des dogues plus violents qu’avant. Plus violents qu’avant des dogues violents. Des enfants et des chiens victimes de coups de dogues. Le bruit vient des dunes, le bruit qui court parmi les roulis-récits comme quoi de sales dogues puants s’attaquent à des chiennes glabres et des enfants aide-mémoire. Des chiennes seront en manque et des chiens seront en manque et le sable du désert sans le sang des plaies grattées, le désert sang enfant, incohérent. Je vais vers le chien sale bite roide. Le chien sale et l’enfant gueule ouverte pleine de sable immobile. Le sale dogue statique jette un regard noir au gros chien masse poils et je fonds sur le sale dogue. Mes crocs dans sa tête. Mes crocs dans sa tête rouge qui coule au dessus de l’enfant par terre. Le dogue instant en l’air. L’instant au dessus du sable, les pattes de Gunther bien fichées au pied de la dune, le chien en l’air et les crocs blancs de Gunther dans sa tête un instant au dessus du sable. Puis la gueule du dogue dans le sable, ses crocs bien fichés dans le sable et du sang frais coule de la bouche de Gunther sur le sable, à côté du dogue à côté de l’enfant couché qui tremble. Le regard de Gunther dans celui de l’enfant trouille, l’instant en l’air dans les yeux, l’enfant trouille tremble et Gunther de se retourner repartir trotte sur la dune. Des dogues plus violents qu’avant.

 

La nuit gros ventre gronde. Tachetée de rose la peau tendue du gros bide de Nico gronde alors que l’enfant cause au creux de l’oreille de masse poils. Inhabituel le bruit du ventre gronde et le silence de la rive se dissipe laisse place au grondement sourd du ventre de Nico la chienne grosse. L’enfant ouvre les yeux. Nico qui suffoque respire à drôles de coups et dort encore mais l’enfant réveillé qui parle au fin fond du creux de l’oreille de Gunther ouvre les yeux au son du ventre qui gronde à la place du silence du désert.. Gunther gémit. Les lèvres de l’enfant articulent en silence les mots pour Gunther. Yeux ouverts pour Nico. Une demi-nuit à gronder, les yeux ouverts, vent reprend et l’enfant plein de sable dans ses yeux ouverts qui piquent pleurent de sable. Le vent couvre un peu ce que dit le ventre. L’enfant yeux enflés aura mal au soleil la journée sans rien dire à Nico pour son ventre. Nico grossit. L’enfant ne dit rien à Gunther pour le ventre qui grossit, n’a qu’à le voir le ventre de Nico, l’enfant pense qu’une nuit, inconscient, l’enfant n’a pas vu Gunther couché sur Nico, membre au fond, l’enfant pense ça de Gunther et Nico. L’enfant oublie le sale gros dogue puant couché sur Nico, l’enfant oublie Gunther qui dort près du sale gros dogue puant couché sur Nico.

 

Seul avec mon corps couché mi-enseveli par l’eau dans le sol, le soleil a tapé, mes crouttes luisent suintent, le soleil sur mes croutes et moi qui attend. Pied au sec sans ombre à moitié déséché je me vois seul sur le sable de la plage et les enfants de loin sur le sable plus loin qui suintent aussi des croutes pas seuls. Pas seuls ces enfants là plus loin, ils sont entourés de chiens ou chiennes et il y en a des glabres, oui bien plus que d’autres, le soleil qui décline à peine, ce n’est pas l’heure de masse poils de loin qui déboule de la dune colline. Ce n’est pas l’heure de masse poils mais que fait la chienne glabre qui jamais ne quitte son sol de grains avec son gros bide, que fait la petite chienne avec son ventre qui pend incapable de bouger du mal à ramper voilà qu’elle a disparu, longtemps que je n’avais vu ça, cette absence, je ressens l’absence des chiens, où est la chienne glabre, que fait Nico, que suis-je sans Nico la chienne glabre, qu’est Nico sans Gunther masse poils, brise hérisse poils sur la plage chair de poule sur mes avants bras, de loin les ombres floues inquiétantes qui saignent aussi ou rongent leur frein ou trainent leurs pattes dans le sable du désert. Puis, en un instant, la voilà. Là bas. Elle est là. Elle arrive, discrète, sors de ta tombe. Dis moi quoi, les mots-regards. Laisse-moi parler tes yeux, tes yeux pupilles iris disent projettent sur moi les mots-regards. Statue de chair à poil muette le regard plongé dans les corps des autres tout le temps, pour une fois sors de ta tombe ma belle, je t’en supplie, et la chienne Nico de vibrer doucement tremblante vaguelette cutanée le long des muscles jusqu’à la truffe, mouille la truffe, la langue sortie de la bouche au travers des canines mouille la truffe, les yeux clignent et l’enfant que je suis saute à nouveau sur ses quilles tremblantes prêtes à s’effondrer pour crier en l’air et je hurle je beugle j’aboie qu’il a eu un accident grave, c’est Gunther, il a eu un accident grave. Je le sais, Nico m’a dit que c’est Gunther, oui, Gunther a eu un accident grave.

 

Dialogue de sourd je tente la communication yeux fermés bouches fermées poings ouverts doigts ballants, le chien statique est debout sur ses quatres pattes fines juste là devant moi. Il me regarde. Les chiens ne pleurent pas. Je communique avec ce chien que je regarde dans le fond des yeux et son crâne vide est plein d’inaccessible, je dois me faire une raison ce chien ne peut rien me dire, c’est un chien. Moi, enfant, je peux chuchoter. Moi je peux dire tout bas dans le creux d’une oreille c’est un chien sa race est le chien, mais moi, doucement dans le creux de cette oreille, moi, je suis un enfant. Je ne sais si je viens d’un trou de poils ou si je suis issu d’une peau glabre. Je grandis, je garde mon corps taille d’enfant, mon corps à maturité, mais je sens bien que dedans, dedans ma tête, les choses les mots les chiens ne sont pas pareil qu’avant, avant la disparition, avant les sales dogues violents, avant le coup d’œil à Nico. Je veux que ce chien voie en moi la maturité de l’enfant comme il a sa maturité de chien qui ne changera plus beaucoup.

 

Comme les chiens ne disent pas ce qu’ils pensent, c’est compréhensible. Des regards en coin ou des regards de front, les bouches restent muettes et ça parle bien plus que ça. Les billes noires des yeux reflètent des esprits divers et des chiens bouche fermée ne montrent pas leurs crocs. Compréhensible cette idée. Il suffit d’être là. Tous ces chiens couchés dans le sable. Et ces enfants qui regardent et pensent, souvent sans le savoir d’ailleurs, qu’ils pensent. Toutes sortes de choses se passent dans ces yeux-tête muets mobiles qui ne bougent dans ces moments pas d’un poil.

 

C’est chaud. Chaud et brun foncé et clair avec les reflets. C’est comme le sable, en liquide épaix et condensé, et ça sent. Ça sent et ça brille comme du chocolat chaud, du chocolat au lait chaud. L’odeur est forte, elle embaume tout ce qui vit autour. Ça coule et c’est fort, dans le sable ça fait des paquets, des paquets de chocolat, mais l’enfant que je suis sait qu’il n’y a que des masses couchées dormantes, errantes ou des peaux glabres qui regardent ou parlent ou écoutent, ici c’est le désert, il n’y a pas de chocolat dans le désert, ce qui sent qui brille et reflète n’est que de la merde liquide qui sort de trous de balle. De la merde qui sent plus fort que tout, du brun liquide qui fait des paquets dans le sable, de la masse de matière qui rappelle réfère aux origines à la terre aux grains de sable infinis sous nos ventres couchés dans le sable-origine sorti du trou originel. Cette merde ne dégoûte pas les chiens couchés lorsqu’elle sort d’un trou pour couler doucement sur le sol avec son odeur et sa couleur. Elle est rare, cette merde. Il est rare que les lèvres des trous s’écartent légèrement pour laisser s’échapper ce résidu de corps mais quand ça arrive, des fois où un chien couché ou trotte ou un enfant rampe ou une queue se lève, quand ça arrive le silence du sable partage son imposante présence avec ce coulis anal et l’odeur du silence se mélange à la couleur du vent et des chiens sont peut être émus ou s’en foutent et moi l’enfant j’y pense à ce trou du début, ce trou d’avant qui a pondu quelque chose qui a empli le désert., ce trou ancestral d’où viennent les poils de désert d’où viennent masse poils, Nico la chienne glabre et même moi. Tous on vient du vide trou. Comme des merdes étalées là comme ça. Les merdes sont là, sentent et on leur prête attention. On ne se demande pas ce qu’elles seront, parce qu’on le sait bien, du sable sec, peut être. Les chiens d’ici ne demandent rien. Nico attend que son bide plein devienne bide vide, comme avant, ce sera comme avant, avec ou sans les dogues flanqués de pattes qui trainent au loin des dunes. Avec ou sans la conscience de l’enfant-adulte dans son corps d’enfant-par-terre. Avec ou sans les regards d’enfant jetés ça et là. Avec ou sans les mots.

 

Peut être que ça s’explique. Peut être que les casques-téléphones sont là pour une raison. Peut être qu’expliquer à quelqu’un l’utilisation de telle ou telle fonction dans tel ou tel software à distance grâce au casque-téléphone n’est pas un déni d’humanité mais bien une marque de respect entre nous tous bureaucrates à l’haleine de café froid. Haleine de café-clope sur fond de sandwich sous céllophane. Haleine de café-clope sur fond vide d’estomac de bide-vide. L’haleine de mort dans les gorges des employés. Les plateaux de cent-vingt mètres carrés sur trente étages. Peut être qu’au-delà de l’absence de sens de cette chaîne de production il ya l’absence de sens tout court. Peut être que tous ces gens qui arrivent le matin repartent le soir ne se demandent pas ce qu’ils foutent là parce qu’il n’y a pas de raison à être ou ne pas être là. Peut être qu’en définitive la vue du dernier étage n’est pas un plus lié à une fonction mais juste la vue du trentième étage. Peut être que le salaire du type tout en haut n’est pas meilleur que celui du gars à l’accueil. Peut être que toute cette vie qui se trame ici n’est ni bonne ni mauvaise ni belle ni juste, peut être qu’il n’y a rien de cohérent dans ces bureaux. Pourquoi ces gens font-ils de leur mieux si il n’y a pas de sens de raison de beauté de justesse de cohérence dans ces lieux. Pourquoi ai-je fait de mon mieux sans vouloir sapper le systême si je ne trouve pas de sens. Pourquoi ? peut être parce qu’il y a un sens en définitive, celui qui découle naturellement du fait qu’il n’y a pas de sens. On met des mots sur les choses, c’est peut être pour ça qu’il y a du sens. Juste parce qu’il y a des mots, des mots qu’on confond avec des maux. Et ces maux qui poussent à réagir, ces mots qui font qu’on agit. Des mots qui rappellent le fond des bides-vides et qui poussent à faire pour oublier ce vide sans sens.

Et le temps avec tout ça. Et le fait qu’on ne choisit pas grand-chose non plus. On ne choisit pas grand-chose. Le temps qui pousse. L’idée que c’est comme ça. Le temps qui file qui tend vers une seule fin, ça donne faim, ça donne fin le temps qui tend. Le temps qui file et qui donne pas toujours le choix, et c’est comme ça, on est obligé, obligé d’accepter que c’est comme ça. Pas le choix de faire tout ce qu’on veut, pas le temps de dire tout. Le dire-faire limité. Les limites dans la tête, celles des mots, les limites des maux dans le temps. Limites, bout, il y a le maintenant-sans-sens-perceptible malgré que l’idée du bout donne du recul, fait réfléchir. Sans sens le bide-vide réclame, c’est comme ça, on choisit pas, on fait avec, tous. Nous, mais aussi le reste, les chiens, les enfants-éternels, les trous, le sable, tous, tout.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Constantin Beine

Juillet2006

 


Commentaires

 
 
 
posté le 18-07-2006 à 16:48:01

pas grave

si qqun passe par ici qu'il ne s'étonne pas, je me demande juste si ça vaut la peine que je foute mes merdes sur ce blog, ça ne fera qu'un dépôt de merde de plus
 


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